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Il y a vingt ans, lorsque l’on parlait d’environnement, c’était pour évoquer la protection de la nature, les oiseaux mazoutés, les poissons morts, les sols imprégnés de substances toxiques, éventuellement la gêne occasionnée par le bruit ou par certaines odeurs, mais on n’allait guère au-delà. Aujourd’hui, la santé – entendons : la santé humaine – est en train de devenir l’objet premier des politiques publiques d’environnement et il existe en ce domaine une profonde attente des populations.
Les peurs, légitimes ou irraisonnées, se multiplient, d’autant que les médias servent régulièrement de caisses de résonance. Mais si la définition de la santé soulève relativement peu de difficultés, il n’en va pas de même pour celle de l’environnement. On nous permettra de citer à ce propos la formule de Robert Poujade, lorsque Georges Pompidou en 1971 lui a confié le Ministère de l’Environnement – et c’était la première fois, non seulement dans l’histoire de France mais aussi dans l’histoire du monde, qu’un ministère à part entière était consacré à ces questions : «Singulier destin pour un mot que d’avoir un ministre avant d’avoir un sens !». Les choses n’ont pas tellement évolué depuis lors. Certes, étymologiquement, l’environnement c’est ce qui nous entoure et, de ce fait, agit sur nous. Mais le mot a été largement détourné de son sens originel, jusqu’à désigner une sorte de maladie honteuse des civilisations industrielles. De fait, les termes qui lui sont le plus souvent associés, dans le langage courant aussi bien que dans les publications scientifiques, sont ceux de dégradation et de pollution. La connotation négative est donc évidente.
Le lien entre environnement et santé est, lui aussi, indéniable. On rappellera simplement que selon l’OMS, les maladies liées à l’environnement sont responsables des trois-quarts des 49 millions de décès recensés chaque année sur la planète. Et les épidémiologistes rattachent 80% des cancers à un ou plusieurs facteur(s) d’environnement, même si ces derniers ne font que se surimposer à une prédisposition génétique.
Toujours est-il que font partie de l’environnement les bruits, les odeurs nauséabondes, la pollution de l’air, de l’eau, des sols, les rayonnements ionisants ou non ionisants, et ainsi de suite. La liste des polluants s’allonge sans cesse, deux nouvelles molécules étant désormais mises au point chaque minute à travers le monde. Comme il n’est pas question de tout aborder ici, l’accent sera mis sur la pollution atmosphérique.
C’est là un sujet d’actualité. Toutefois, la dégradation de la qualité de l’air n’est pas un phénomène nouveau (les Romains s’en plaignaient déjà), et l’on dira même – au risque de choquer – qu’à certains égards la situation a plutôt tendance à s’améliorer. Des progrès ont été réalisés, du fait de réglementations plus ou moins draconiennes (comme, par exemple en France, les lois sur l’air de 1961 et de 1996). Depuis 1960, les cimenteries ont diminué de 99% leurs rejets de silicates et les usines d’aluminium ont réduit de 98% leurs effluents fluorés. La lutte contre les polluants «traditionnels» (fumées noires, dioxyde de soufre SO2) est aussi un succès : la «purée de pois» londonienne a disparu depuis 35 ans ; de même, en France, les politiques d’économie d’énergie, l’accroissement de la part du gaz naturel et de l’énergie nucléaire, ainsi que la limitation de la teneur en soufre des fuels et la désulfuration des installations de combustion ont engendré une forte baisse du SO2, les concentrations ayant été divisées par quatre depuis 1960 à l’échelle nationale et par six pour l’agglomération parisienne.
Mais cette règle, vérifiée dans les pays industrialisés libéraux qui regroupent à peine le septième de la population mondiale, souffre bien des exceptions à la surface du globe. Elle ne vaut ni pour la Chine ni pour la plupart des pays en voie de développement, qui n’ont pour ainsi dire pas de réglementation en ce domaine. Elle ne vaut pas non plus pour les pays qui ont une réglementation, mais ne la font pas appliquer (ce qui est le cas de la majeure partie de l’Europe de l’est, où la situation s’est profondément dégradée au cours des quinze dernières années). De plus, là où elle tend à diminuer, la pollution change de nature au fil des ans ; elle se fait plus complexe, plus insidieuse, moins visible, moins odorante : de moins en moins due à l’industrie et aux foyers domestiques, de plus en plus à l’automobile, avec apparition constante de nouveaux polluants qui peuvent s’avérer toxiques à des doses extrêmement faibles, souvent à la limite du seuil de détection, et avec des effets largement différés dans le temps. Les craintes les plus vives concernent aujourd’hui les particules très fines, qui pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire, et qu’en l’état actuel de la technique on est incapable de mesurer en routine de manière satisfaisante.
Ceci dit, une question importante pour le géographe est celle de l’échelle à laquelle il convient d’aborder le problème des relations entre l’environnement et la santé. La pollution atmosphérique, naguère, s’étudiait à l’échelle de la rue ou du quartier et l’on expliquait ses conséquences néfastes sur la santé en fonction des vents locaux (les brises, tout spécialement) et en fonction de la topographie (gare aux vallées encaissées et aux sites en cuvette !). D’où les mesures anti-pollution qui étaient préconisées jusque dans les années 1970 : on surélevait sans cesse les cheminées et on les munissait de turbines de plus en plus puissantes pour accélérer la vitesse de sortie des gaz, comme si l’atmosphère pouvait tout absorber, tout épurer. Aujourd’hui, la démonstration est faite que la pollution agit aussi à longue distance : les grandes villes polluent bien au-delà de leur zone d’influence ; Rambouillet et Chartres sont atteintes presque tous les soirs, vers 18 heures, par l’ozone de l’agglomération parisienne ; même chose, plus loin, pour Alençon vers minuit. Et cette pollution peut s’effectuer sur des milliers de kilomètres, puisque l’atmosphère n’a ni frontières ni réalité territoriale marquée. Ainsi, la Norvège et la Suède «importent» régulièrement des polluants en provenance d’Angleterre, chaque fois que le vent souffle du Sud-Ouest. De même, en 1991, quand les troupes irakiennes ont incendié les puits de pétrole du Koweït, des particules provenant de cette combustion ont provoqué des maladies respiratoires au Japon et, peut-être, jusqu’en Californie. La pollution doit donc désormais être considérée à l’échelle de la planète tout entière, ce qui justifie un début d’action internationale concertée, qui fait justement une place essentielle à la santé des populations…. A l’inverse, on commence à s’intéresser aux pollutions domestiques, à l’atmosphère confinée des locaux professionnels, des appartements et des voitures, où la plupart d’entre nous passent 80 à 90% du temps, sinon davantage. Lorsque l’on cuisine au gaz, on obtient dans sa cuisine des concentrations de dioxyde d’azote (NO2) quarante fois supérieures à la norme française actuelle pour l’air extérieur. Il n’y a peut-être pas lieu de s’affoler, mais un tel chiffre fait tout de même réfléchir…
Le thème des relations entre environnement et santé nous confronte donc en permanence à de subtiles interactions d’échelles. Si la pollution atmosphérique, hier, c’était la rue et le quartier, aujourd’hui c’est aussi à l’échelle des macrophénomènes la planète tout entière, tandis qu’à l’échelle des microphénomènes ce sont les espaces clos dans lesquels nous vivons. Tout notre écosystème est donc concerné…
Trois remarques pour terminer. Tout d’abord, les relations environnement-santé sont complexes ; les niveaux et les profils de pollution évoluent dans le temps, dans l’espace et en fonction de nos activités ; les polluants agissent entre eux selon une chimie extraordinairement compliquée. Plutôt que de la pollution atmosphérique, il conviendrait donc de parler des pollutions. A de rares exceptions près, il est difficile de relier une pathologie spécifique à un polluant précis.
La deuxième remarque tient à l’importance de l’incertitude scientifique. On peut suspecter la responsabilité d’un polluant, mais il est souvent délicat d’affirmer quoi que ce soit. Rappelons-nous l’émoi qui, en 1997, a suivi la publication d’une enquête sur les leucémies d’enfants aux abords de l’usine de retraitement de déchets nucléaires de La Hague. On y constatait un excès de leucémies par rapport aux régions voisines, et une corrélation avec la fréquentation des plages situées près des établissements nucléaires du Nord-Cotentin. Cette information a aussitôt suscité de détestables polémiques. On n’abordera pas ici le fond du débat, mais ce qui paraît important dans cette «affaire», c’est qu’elle pose un problème majeur de santé publique, qui dépasse très largement le cas du nucléaire : comment appréhender les risques sanitaires liés à de faibles doses d’un produit dont les dangers sont incontestables à fortes doses ? Quelle doit alors être l’attitude des responsables et que peut-on attendre de l’expertise scientifique, quand il est raisonnable de faire état de «doutes sérieux», mais qu’il est abusif d’énoncer des certitudes ? Est-ce qu’il faut renoncer à prendre la moindre mesure, comme cela a été le cas pendant longtemps à propos de l’amiante ? Le dilemme du décideur est de trouver un juste équilibre entre la sous-réaction, qui engage sa responsabilité si le danger finit par être démontré, et la surréaction, qui conduit à inquiéter inutilement la population et à gaspiller des ressources dont auraient pu bénéficier d’autres problèmes de santé, plus importants. Chacun s’accorde aujourd’hui sur le fait que l’incertitude ne peut plus justifier l’inaction. Mais la question reste entière de savoir quelle démarche décisionnelle adopter et le principe de précaution finit par relever de ces bonnes intentions dont l’enfer est pavé.
Enfin, dernière remarque, derrière ce problème des relations entre environnement et santé se profilent des enjeux considérables – enjeux scientifiques bien sûr, mais aussi enjeux économiques, enjeux sociaux, enjeux culturels – et ce sont des questions qui déchaînent les passions. Mais des enjeux considérables et des sujets passionnels, propices au moins pour certains d’entre eux à une «récupération» par le commerce ou par la politique : ce ne sont pas là des conditions qui incitent à la sérénité ; trop souvent, on entend tout et son contraire… D’où la nécessité de prendre un minimum de recul et de toujours garder la tête froide.
Jean-Pierre BESANCENOT
Directeur de recherche CNRS
Climat et Santé, Faculté de Médecine, BP 87900, 21079 DIJON Cedex